Les premières années de la 2 CV sont les plus belles.
Ce sont celles où elle conserve ce superbe capot orné d’une calandre reprenant le double chevron dans un ovale.
Mais au début, le modèle n’est pas encore tout à fait mature ; il se présente brut de fonderie, indigent.
Fortement désirée, la "Deuche" reste quand même une gueuse nécessiteuse sous sa robe grise, et elle fera la joie des accessoiristes.
Long sera le chemin qui la transformera en une automobile moderne, rapide, gaie, digne de sa technicité, de son image et de son temps.
Pratiquement, si dans les caractéristiques techniques de la première 2 CV on trouve des solutions avant-gardistes (telle cette incroyable suspension que personne jamais n’osera ni reprendre ni même copier !), elle propose ici et là des astuces touchantes : les essuie-glaces couplés au câble du compteur, qui fonctionnent de plus en plus vite avec l’allure du véhicule, la fourniture d’un antivol pour capot comme celui utilisé pour les vélomoteurs.
Les procédés simples sont nombreux et parfois surprenants, citons la demi-glace avant qui fera jurer les millions de conducteurs surpris de la prendre sur le coude dans un virage…
Les modèles de production lancés en juillet 1949 sont modifiés dès octobre pour le Salon de l’automobile mais il ne s’agit dans l’ensemble que de changements d’ordre mécanique
En mars 1951, la berline se voit épauler par la Fourgonnette, une 2-portes de 250 kg de charge utile qui prend la dénomination 2 CV Type AU (U = Utilitaire).
Au Salon 1952, la berline se montre dans une robe d’un gris plus foncé avec de pimpantes roues ivoire, c’est son premier changement de teinte, il sera suivi de beaucoup d’autres lors des flamboyantes années 60 et 70. En mars, enfin, apparaît la deuxième calandre. Une génération de 2 CV chasse l’autre.
ÉVOLUTION
1948
Octobre : Présentation au Salon de Paris du Type A Berline, la mécanique n’est pas présentée car non définitive. Les trois voitures du stand ont un capot plombé sans poignée. Des gueuses sont placées pour équilibrer les châssis. Feux de position type 15 CV sur les ailes avant.
Poignée de démarreur type lanceur de hors bord placée sous la tablette à l’aplomb du levier de vitesses. Bouchon d’essence peint en noir. Pas de catadioptre arrière ni de support. Contact par bouton poussoir comme sur le Type H.
1949
Juillet : Début de la fabrication à la chaîne du Type A dans l’usine de Levallois. Peinture unique gris métallisé (07/1949 - 09/1952) appelé aussi gris aluminium (référence usine AC 109).
Octobre : Deuxième Salon pour la 2 CV, elle perd ses feux de position sur les ailes qui passent désormais sur et dans les phares ; mais surtout elle dévoile enfin sa mécanique définitive munie d’un démarreur électrique. Cataphote rectangulaire entouré de noir.
Novembre : Livraison des premiers clients dans la première quinzaine.
1950
Avril : Support moteur avant en deux éléments.
Novembre : Tubulure d’admission et d’échappement et filtre à air montés avec prise d’air chaud pour carburateur.
Décembre : Contact et serrure de portière AVG avec une même clef. Arrêt de fourniture de l’antivol pour capot (style antivol de vélomoteur).
1951
Mars : Sortie du Type AU Fourgonnette.
Moteur Type A : cylindres et pistons avec axe et segments appariés, montage avec piston à trois segments d’étanchéité et un segment racleur de 3,5 mm. Le coussinet arrière d’arbre à cames formant corps de pompe à huile avec sortie d’huile par trou de 5 mm et canal dans le corps, profondeur de logement de pignon 14,5 mm.
Jonc de calandre à vis soudées.
Juin : Collecteur d’air avec conduits fixés sur culasses par pattes rapportées. Bord rabattu sur 9 mm autour de l’entrée de ventilateur.
Octobre : Suppression de la protection en caoutchouc montée sur la partie inférieure des batteurs arrière.
Novembre : Jonc de calandre à vis indépendantes.
1952
Mars : Carter de commande d’essuie-glace avec fixation de compteur par écrou central unique. Flexible de commande de compteur et d’essuie-glace avec, côté compteur, embout carré et molette de fixation. Longueur 875 mm.
Avril : Pédale d’accélérateur avec palier en caoutchouc de rotule de tige d’accélérateur. Cette tige d’accélérateur comprend une partie formant un V ; fixation côté carburateur par rondelle de feutre de 3 x 12 x 5 mm et gorge sur la partie de la tige formant angle droit.
Mai : Mécanisme d’embrayage à trois ressorts au lieu de six.
Juin : Plateaux de frein en tôle et non plus en aluminium. Tambours de freins à quatre nervures au lieu de trois. Nombreux changements de détails sur les freins. Nouveau câble de frein à main (longueur 406 mm au lieu de 378).
Juillet : Suppression des cales en cuivre de réglage entre cylindre et culasse. Ces cales étaient disponibles en trois épaisseurs ; 0,5 mm, 1 mm et 1,5 mm.
Septembre : Crémaillère avec rotules à têtes sphériques au lieu de rotules à méplats et fixation des rotules sans clavette Woodruff. Cela entraîne une modification, entre autres, de la forme des entrées de tête de rotules sur le tube de crémaillère. Le diamètre du guide de crémaillère passe de 20 à 22 mm.
Octobre : Peinture d’un gris plus foncé (gris Foncé réf. AC 118) et roues peintes en ivoire.
Novembre : Fixation de la dynamo par deux vis au lieu de trois.
2 CV 1949
Fiche technique
Moteur : 2 cylindres à plat 62 x 62, 4 temps à culbuteurs.
Cylindrée : 375 cm3.
Puissance fiscale : 2 CV.
Puissance réelle : 9 ch à 3 500 tr/mn.
Taux de compression : 6,25 à 1.
Couple maximum : 2,36 mkg à 1 800 tr/mn.
Vilebrequin 2 paliers.
Chemises-cylindres à ailettes.
Culasses en alliage léger.
Distribution : transmission par pignons, soupapes en tête, tiges et culbuteurs, arbre à cames central.
Support moteur en une seule pièce.
Alimentation : carburateur Solex 22 ZACI inversé.
Allumage par rupteur et bobine métallique à double sortie.
Refroidissement par air forcé (ventilateur 8 pales).
Embrayage : monodisque à sec à commande mécanique.
Boîte-pont : mécanique.
3 vitesses + 4e surmultipliée synchronisées et marche arrière.
Commande par levier au tableau de bord.
Transmission : traction avant.
Couple conique spiral 8/31.
Rapport : 3,87 à 1.
Direction : à crémaillère indéréglable.
Suspension : interactive entre les roues avant et arrière.
Pots de suspension latéraux et horizontaux à ressorts hélicoïdaux.
Amortisseurs à frotteurs et batteurs à inertie interchangeables, un seul modèle pour les quatre roues. Fixation des batteurs par écrous crénelés et goupilles. Les batteurs arrière sont munis d’une protection en caoutchouc sur leur partie inférieure. Frotteurs avant avec ressort fil de 4,2 et frotteurs arrière avec ressort fil de 5,4.
Roues indépendantes.
Roues avant poussées et roues arrière tirées.
Freins : hydrauliques.
Tambours avant accolés à la boîte-pont, Ø 200.
Tambours arrière dans les roues, Ø 180.
Frein à main mécanique sur les roues avant.
Pneus : radiaux Michelin.
Type : Pilote 125 x 400.
Pression au kg/cm2 : avant 1, arrière 1,1.
Châssis : plate-forme caisse-poutre.
Éclairage : électrique.
Avant : 2 phares comprenant phares, codes, lanternes et feux de position.
Arrière : feu rouge unique situé au centre de la plaque minéralogique faisant aussi office d’éclairage de plaque. Catadioptre unique, en verre, à l’AR droit.
Batterie : 6 V 60 AH. : Pôle négatif à la masse.
Poids : 495 kg en ordre de marche.
Charge autorisée : 250 kg en plus du conducteur.
Capacités :
Huile moteur : 2 litres.
Huile boîte-pont : 1 litre.
Essence : 20 litres.
Circuit de freinage : 0,5 litre.
Dimensions :
Longueur hors tout : 3,78 m.
Largeur hors tout : 1,48 m.
Hauteur à vide : 1,60 m.
Empattement : 2,37 m.
Voie avant : 1,26 m.
Voie arrière : 2,26 m.
Rayon de braquage : 5,25 m.
Carrosserie : berline découvrable
4 places, 4 portes. Portes avant s’ouvrant en sens inverse et demi-glaces mobiles avec poignées rectangulaires de verrouillage. Pas de dispositif pour maintenir les demi-glaces mobiles en position ouverte.
Bavettes d’ailes avant en caoutchouc sans renfort métallique.
Jonc alu sur pare-chocs avant.
Capote descendant jusqu’à la plaque minéralogique arrière.
Un seul pare-soleil côté conducteur en carton bouilli bordé de métal.
Petite lunette arrière.
Plaque minéralogique décalée sur le côté gauche.
Capot moteur à grosses soudures et poignée d’ouverture coulissante. Enjoliveur de tour calandre à vis soudées. Écusson de calandre fixé par quatre vis.
Panneaux intérieurs de portes soudés. Porte AVG sans condamnation, les autres ont un dispositif coulissant situé sous la serrure.
Flexible de commande de compteur et d’essuie-glace avec deux embouts rectangulaires, fixation par clavetage à la boîte de vitesses et au carter. Longueur 870 mm.
Tige d’accélérateur droite avec angle droit formant fixation côté pédale et côté carburateur articulation par rotule.
Collecteur d’air avec conduits en une seule pièce.
Garnitures de sièges à plis en tissu gris. Les garnitures droite et gauche de la banquette arrière sont du même modèle et peuvent donc être interverties alors que pour la banquette avant il existe deux garnitures différentes.
Accessoiristes
Les accessoiristes découvrent vite avec la "Deuche" l’engin parfait pour l’euphorie de l’après-guerre. Un véhicule si indigent qu’ils vont pouvoir s’en donner à cœur joie et inventer une foultitude de choses à vendre aux propriétaires en mal de personnalisation, de confort ou de transformations…
... baguettes, sabots d’ailes, pare-chocs, glaces, éclairage, malle, rétroviseur, sièges-couchette, planche de bord, glaces descendantes, capote ou toit en dur ou toit ouvrant, volant, sellerie, etc. Bref, tout y passe avec plus ou moins de goût et d’ingéniosité.
L’accessoire le plus populaire, et le plus réclamé par les utilisateurs de la "Deuche", reste celui qui apporte une solution à cette toile longue qui n’a jamais été considérée comme un vrai coffre.
Au début des années 50, de petits fabricants, le plus souvent carrossiers, se lancent alors dans la malle accessoire pour la petite Citroën. Certains iront plus loin et éditeront des catalogues complets d’accessoires 2 CV. Il y aura même une boutique spécialisée avenue de la Grande-Armée à Paris, la "Boutique de la 2 CV" aujourd’hui disparue.
Essuie-glaces
Sur le modèle commercialisé après la guerre, le conducteur actionne une manette qui met en route les essuie-glaces. Leur vitesse de balayage est en fonction du régime moteur. Le compteur indicateur de vitesse est commandé par un engrenage dépendant de l’arbre de sortie du changement de vitesse, à son tour ce câble commande par un entraînement à vis le mécanisme des essuie-glaces, le résultat fait que, à petite vitesse on n’y voit goutte et à l’arrêt on n’y voit rien…
Capot
La 2 CV subira lors de son existence une seule modification de style importante, le changement de capot fin 1960. Voici comment les choses se passèrent. En 1960, Flaminio Bertoni, le styliste Citroën, veut alléger le capot de la 2 CV et en changer la forme, mais il désire que l’étude soit faite directement dans la tôle de 7/10 très fine. Pour alléger le capot, Bertoni a l’idée de supprimer ses deux flancs. Il est donc impératif d’ajouter des nervures pour le rendre plus rigide.
On commence par inscrire les crêtes de toutes les petites vagues qui vont donner naissance aux nervures et à positionner l’ouverture pour l’aération du moteur. Évidemment, comme les choses ne vont pas toutes seules, il faut déplacer ces crêtes un peu vers la gauche, un peu vers la droite. Ce qui fait que lorsqu’ils obtiennent enfin la forme désirée, la tôle qu’ils ont beaucoup travaillée n’est plus très nette. C’est Henri Dargent, l’assistant de Bertoni, qui se charge de taper la tôle lui-même. On met alors de l’enduit dont l’épaisseur atteint parfois jusqu’à 3 mm ! Cet enduit on le fait en mélangeant du mastic cellulosique avec du plâtre.
Avec cet enduit, que Bertoni travaille à la spatule, M. Dargent reprend une à une toutes les nervures du capot. Seulement, la présentation est pour le lendemain, et ce sacré enduit ne veut pas sécher. Bertoni arrive vers 20 h 30 et découvre le problème. Puisqu’il faut attendre que ça sèche, les deux hommes vont au cinéma. Au retour, Dargent attend jusqu’à minuit que tout soit sec pour appliquer enfin une couche de peinture.
Le lendemain, le capot, posé sur un chariot, est présenté à la direction. Les patrons le regardent et disent : "C’est bon, messieurs !" C’est ainsi que le modèle 1960 tourna une page de la 2 CV qui devint alors pour tout le monde un modèle "ancien capot" ou "nouveau capot".